Sur les conseils d’une copine, j’ai lu l’année dernière « Les gens heureux fument et boivent du café », puis la suite « La vie est facile, ne t’inquiète pas » d’Agnès Martin-Lugand. L’histoire commence par un événement tragique : Diane perd son mari et sa fille dans un accident. Elle s’enfonce dans le chagrin. Pour échapper à son entourage qui la presse de reprendre pied, elle part seule en Irlande.
[Attention spoiler alerte, je vais vous parler de la suite et fin de cette histoire !!]
Elle y rencontre Edward, le neveu du couple qui l’héberge. C’est un homme solitaire et déplaisant. Dès ses premières apparitions dans le livre, je me suis dit « ils vont finir ensemble… »
Dans le premier ouvrage, elle reprend lentement goût à la vie et revient en France en laissant Edward à son mauvais caractère.
Dans « la vie est facile, ne t’inquiète pas », elle rencontre Olivier. C’est un homme charmant et attentionné. Avec lui, tout semble effectivement facile et doux.
Et pourtant, hélas, pour relancer l’intrigue, pour prolonger une injonction délétère ou pour satisfaire un désir de favoriser la posture de sauveuse de l’héroïne, l’autrice renvoie Diane en Irlande et finalement, sans surprise, dans les bras d’Edward.
Ce retournement vers Edward peut relancer une forme de suspens dans l’histoire alors qu’il serait plus confrontant de trouver une belle fin avec un amoureux sympa dans une histoire simple et heureuse.
Par injonction délétère, j’entends que le cinéma et la littérature racontent souvent des histoires dans lesquelles la femme ne supporte pas l’homme avec lequel elle interagit au début de l’histoire. Il est toxique, ou torturé, ou irrespectueux. Pourtant, c’est avec lui qu’elle va nouer une histoire d’amour.
La répétition de ces configurations envoie une mauvaise information aux femmes. Dans la vraie vie, beaucoup de femmes ne fuiront pas une relation avec un homme désagréable mais y associeront une forme de virilité qui pourrait les protéger.
Enfin, un ressort également souvent utilisé dans les histoires est la posture féminine qui materne, prend soin et qui à l’excès devient la posture de sauveuse. Tant de femmes veulent aider un compagnon à se sortir de sa violence ou d’une dépendance à l’alcool, à la drogue. Pourquoi pas si l’homme se prend en charge ? Mais nous savons toutes et tous que ce schéma mène à beaucoup de souffrance et finalement à l’échec.
Aujourd’hui, la culture doit participer à envoyer de nouveaux messages inconscients aux femmes et aux hommes. Que les femmes tombent amoureuses de héros respectueux, soutenants et gentils. Je suis sûre qu’on peut inventer des histoires passionnantes avec ce prérequis.
En attendant, soyons critiques sur les histoires que nous regardons et lisons en sachant décoder ce que nous n’aimerions pas du tout vivre dans la vraie vie.
Pour aller plus loin
Mona Chollet / Éssai « Réinventer l’amour : Comment le patriarcat sabote les relations hétérosexuelles » Éd. Zones
[…] Au cœur de nos comédies romantiques, de nos représentations du couple idéal, est souvent encodée une forme d’infériorité féminine, suggérant que les femmes devraient choisir entre la pleine expression d’elles-mêmes et le bonheur amoureux. Le conditionnement social subi par chacun, qui persuade les hommes que tout leur est dû, tout en valorisant chez les femmes l’abnégation et le dévouement, et en minant leur confiance en elles, produit des déséquilibres de pouvoir qui peuvent culminer en violences physiques et psychologiques. Même l’attitude que chacun est poussé à adopter à l’égard de l’amour, les femmes apprenant à le (sur ?) valoriser et les hommes à lui refuser une place centrale dans leur vie, prépare des relations qui ne peuvent qu’être malheureuses. Sur le plan sexuel, enfin, les fantasmes masculins continuent de saturer l’espace du désir : comment les femmes peuvent-elles retrouver un regard et une voix ?
Camille Emmanuelle / Roman « Cucul » Éd. Verso
IL EST SA CRÉATION. ELLE NE SERA PAS SA CRÉATURE.
Le jour, Marie Couston est prof de français contractuelle dans un lycée. La nuit, elle écrit sous pseudo de la romance érotique. Mais lorsque son éditrice exige qu’elle abandonne ses romans cucul pour de la dark romance, Marie voit rouge. En clair, on lui demande de rendre sexy des violences conjugales et sexuelles… Sans regret, et un peu saoule, Marie décide de tuer son personnage principal avant de s’endormir. Au réveil, elle n’en croit pas ses yeux : un inconnu est assis sur son canapé. L’homme, très beau dans son costume sur mesure hors de prix, lui explique alors le plus sérieusement du monde qu’il est James Cooper, le mâle alpha de sa romance et de ses fantasmes…
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